LES COMBATS AU MAROC ET DANS LE SUD
ORANAIS
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LE CHÂTIMENT DE ZENAGA
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Le triomphe de l’artillerie – Déroute des rebelles - La poursuite
suspendue
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L’honneur le commandait, la France l’exigeait !
Ainsi
donc, le 16 janvier, au lever du jour, le général Flageolet a donné l’ordre de
bombarder le ksar de Zénaga. Ce repère de bandits a été complètement détruit.
Justice est faite. Six cents obus à la mélinite furent lancés par nos pièces de
75 à tir rapide : tous les projectiles portèrent avec une admirable précision.
L'effet
du bombardement fut foudroyant : les obus éclataient à l'intérieur des bâtisses
qui formaient caisse à air, et faisaient tout sauter. Quelques obus furent
ensuite lancés sur l'oasis de Bouarfa, située à une très grande distance, de
façon à montrer aux Marocains la puissance et la portée des canons français.
Le général Flageolet vient de prouver avec éclat qu'il
méritait pleinement la confiance que le pays a en lui. L’attaque vigoureuse de
notre artillerie a mis l’ennemi en déroute. La plus grande partie des rebelles
ainsi que leur chef, Omar Zaharun, ont pris soin de fuir lâchement pour se
mettre à l'abri de nos projectiles.
Pour
le moment, nos vaillantes troupes bivouaquent sous les murailles de Zénaga, le
cœur satisfait du devoir accompli et l’âme apaisée de voir enfin nos couleurs flotter
sur les ruines du ksar rebelle. Mais nos braves ne comptent pas en rester là et
le général nous déclare qu’il compte bien rattraper Omar, jusque dans
l’antichambre du sultan s’il le faut, afin de lui administrer la juste punition
méritée par ses odieux méfaits.
La poursuite
doit reprendre vigoureusement vers l’ouest sitôt que le précieux convoi de ravitaillement,
parti du fort El-Azeoudj sous les ordres du lieutenant Pépin de la Panade, aura
rallié Zénaga.
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DERNIERE DEPÊCHE
LE CONVOI DE
RAVITAILLEMENT ATTAQUÉ !
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Une lettre de Beni Ounif – Récit d’un soldat – Les « Joyeux »
au feu !
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La punition des rebelles de Zénaga n’a décidément eu que peu
d’effet. Certes, ils ont vu avec épouvante notre artillerie détruire en
quelques minutes un de leurs camps retranchés, mais le désert, lui, leur est
resté.
L’attaque est survenue le 18 janvier entre El-Azeoudj et le
poste de Beni Ounif, précisément à hauteur de la passe d’El Mokhtar, peu avant
l’étape du puit d’Asafar. Elle a été perpétrée par une troupe de pillards
évaluée à neuf cents, furieux et fanatiques, décidés à tout enlever et à ne pas
faire de quartier.
La caravane, composée de cent-vingt chameaux, était escortée
par un peloton de chasseurs et une compagnie du 1er bataillon
d’infanterie légère d’Afrique sous les ordres du lieutenant Pépin de la Panade.
Un de nos lecteurs nous adresse à l’instant la lettre
suivante qu’il vient de recevoir d’un ami, un modeste soldat des Bat d’Af ayant
personnellement pris part au combat.
Nous respectons la forme des impressions de ce jeune "joyeux" ;
sa lettre, où son rôle reste effacé volontairement, dénote bien le véritable
caractère du soldat français, marchant avec entrain sous le feu meurtrier de
l’ennemi et souriant crânement devant la mort qui lui tend les bras.
Si le brave "joyeux" n’a pas pensé à la part
de gloire qui lui revient, en revanche il reconnait la valeur et la bravoure de
ses officiers et de ses sous-officiers.
Beni Ounif, le 19
janvier
Mon cher ami,
A un demi-siècle de
distance du fait d’armes de leurs aïeux, les fils des combattants de Mazagran
viennent de donner au monde un exemple de bravoure et d’audace !
Les Joyeux ont été
enchantés de faire le coup de feu cette fois, sur un ennemi bien réel ! Il
n’était plus question de silhouettes, de mirages dans les dunes ; nous
avions face à nous des guerriers en chair et en os, avides de razzia et capables
de nous répondre !
Certains présomptueux de
la Légion avaient conclu bien vite que la Saoura était devenue des plus
pacifique après leur passage, et que c’était la canne à la main que l’on
pouvait s’y promener en toute quiétude. Les événements que je vais te raconter
les ont fort détrompé !
J’en ai été témoin
oculaire, puisque combattant ; voici les faits sans parti pris, sans
animosité, en toute sincérité.
Il faut tout d’abord savoir
que, durant les deux premiers jours de marche, nous avons plusieurs fois reçu
la visite des maraudeurs rebelles.
Tels des vautours, par groupes de deux ou
trois, parfois solitaires, ces impudents se rappelaient à notre bon souvenir,
apparaissant au sommet d’un éperon
rocheux ou au détour d’une dune escarpée, en prenant bien garde de se poster
au-delà de la portée de nos fusils.
A maintes reprises, le
lieutenant fit donner la cavalerie mais sans succès, car l’ennemi se dérobait
dans l’instant et nos braves cavaliers se plaignaient d’épuiser bien
inutilement leurs montures.
Aussi fûmes nous
fixés quand, nous présentant face à la passe d’El Mokhtar, peu avant le puit
d’Asafar, cent-cinquante bédouins aux manteaux bleus et noirs nous y
attendaient, fermement décidés à nous barrer le passage.
La chaleur est
éprouvante et le sirocco nous inonde de
sable. Calme comme à la parade, le lieutenant de la Panade s’essuie le front en
souriant et nous ordonne de nous porter en avant.
Oubliant les fatigues, nous avançons d’un pas alerte, la section de
l’adjudant-chef Vieillepeau se glisse
sur la gauche, en direction d’un marabout, alors que la section du
sous-lieutenant Jolicon vient coiffer le sommet d’une dune.
A droite, les chasseurs d’Afrique s’élancent hardiment au petit trot.
Nous saluons les premières balles ennemies, les suivantes ne nous
inquiètent plus.
Feu rapide !... V’lan !... Saluez !
Fervents de Mahomet, c’est Lebel qui vous envoie ses salutations les
plus empressées…
Les fils du désert encaissent leurs premières pertes. Tournoyant et
virevoltant sous nos tirs précis, les méharistes tentent perfidement de nous
envelopper pour en fin de compte se replier piteusement.
La caravane avance.
Enhardis par ce premier succès, grisés par l’odeur de la poudre, nous
marchons résolument vers l’entrée de la passe.
Soudain, alors que la fusillade s’est tue, nous percevons le grondement
de cris gutturaux sur nos arrières tels un avant bruit d’outre tombe, c’est
l’ennemi qui vient de recevoir ses premiers renforts, il faut se hâter !
Devant nous, la passe d’El Mokhtar semble déserte, mais nous avons
appris à nous méfier des sournoiseries dont
l’ennemi est coutumier. Par précaution, le peloton du sergent-chef Soulard
se déploie en tirailleurs.
Sur le flanc droit, un second peloton sous les ordres du sergent Sercu
s’engage résolument sur les pentes qui mènent au piton dominant la passe.
Sur nos arrières, les chasseurs d’Afrique font le coup de feu avec les
masses rebelles qui nous talonnent de plus en plus. Par des retraites feintes
et de nombreux demi-tours meurtriers pour l’ennemi, nos cavaliers réussissent à
subjuguer la meute lancée à nos trousses.
Sur notre front, le terrain est silencieux. Avec ses éboulis rocailleux,
la passe parait encore plus sombre et semble cacher quelques obscurs
guets-apens.
A droite, l’ascension du second peloton est pénible.
Tout à coup, jaillissant à la fois de la pierraille qui borde la passe et
des promontoires qui couronnent la ligne de crête, l’ennemi se dévoile et ouvre
le feu à courte portée !
Les premiers hommes du peloton Soulard sont fauchés et tombent immédiatement.
A droite, les compagnons du
sergent Sercu s’arrêtent, épouvantés par la vision qui s’offre soudainement à
leurs yeux : devant eux, des grappes humaines sont suspendues aux rochers pendant
que des masses confuses, grouillantes et hurlantes s’agitent à deux cent mètres
plus haut, sur la ligne de crête.
Nous tirons salve sur salve sans pourtant causer de pertes sérieuses. De
son côté, l’ennemi réplique de façon désordonnée, mais profite bien
opportunément de l’avantage du nombre et de la position. Nous combattons dans
un cercle de feu.
Notre situation devient critique, il est trop tard pour les demi
mesures.
Calme et résolu, le lieutenant de la Panade donne l’ordre aux clairons
de sonner la charge.
Stupéfait par tant d’audace, l’ennemi médusé nous voit fixer baïonnette
au canon, en avant !
Au niveau du col, le groupe du sergent-chef Soulard s’est reformé en
bon ordre et s’élance lui aussi à l’assaut.
Mais l’ennemi s’accroche fanatiquement à ses rochers. Le premier choc
est sacrément violent et les pertes sont effroyables ; plus de la moitié
des hommes sont mis hors de combat. Durant un bref instant, la situation semble compromise, mais
le peloton ne fléchi pas !
A droite, sur les hauteurs, le corps à corps est également terrible. A
un contre trois, les Joyeux du sergent Sercu se battent comme de beaux diables
contre deux groupes ennemis qui viennent conjointement se souder à la mêlée.
De tous côtés, les sectaires enragés escaladent les rochers pour se
jeter sur nous, certains armés de poignards, prêts à nous dévorer
vivants !
Notre brave sergent, l’épée d’une main, le revolver de l’autre, nous
exhorte à tenir, jurant de mourir plutôt que d’abandonner le terrain si
chèrement conquis.
Accourant au secours des deux pelotons engagés dans une lutte sans
merci, le reste des sections de l’adjudant-chef Vieillepeau et du sous-lieutenant Jolicon viennent se jeter
fougueusement dans la mêlée.
Ce furent des minutes chaudes et mortelles, mais peu à peu, l’ennemi
hésite, doute et commence à lâcher prise. Sans demander son reste, le voilà qui
fuit ! Victoire !
Mais pendant ce temps là, sur nos arrières, la pression s’accroît
davantage.
L’ennemi s’est encore renforcé.
La masse des sectaires mahométans fanatisés, rejoints par une horde de cent cavaliers
bérabers, se précipite avec l’impétuosité d’une mer en furie droit sur notre
précieux ravitaillement.
Mais fort heureusement, la passe est dégagée !
Le convoi s’y engouffre, au delà apparaît déjà le refuge salvateur des murs d’Asafar.
Mais au loin l’on aperçoit un nuage de poussière, un groupe de cavaliers arrive à bride
abattue !… Encore des Arabes ?!… Minute d’angoisse sans nom…
Nous sommes frits ! Il faut périr sous le nombre !
Soudain, le son clair d’une sonnerie de cavalerie ! Ce sont nos
braves spahis fidèles à la France qui sont accourus de Beni Ounif pour nous
tendre la main !
Il n’en faut pas plus pour que les rebelles prennent misérablement la
poudre d’escampette. Reviendront-t-ils ? J’en doute. Si oui, nous sommes
là.
Voilà le combat d’El Mokhtar, dans ces faits les plus saillants. La
satisfaction du devoir accompli est notre récompense, ce sera peut être la
seule. Pour mon compte je m’en moque.
Tout à toi
Dernières nouvelles –
Ennemi : morts et blessés, chiffre approximatif, 240.
De nôtre côté : 29,
quelques chevaux et chameaux.
Espérons que des distinctions
honorifiques viendront récompenser, comme il convient, nos valeureux soldats.
Mais
ne sont-ils pas coutumiers des actes d’héroïsme ?
bravo encore un super CR , on est vraiment captivé par le récit
RépondreSupprimerStunning, I really enjoy reading your game write-ups and looking at pictures of your miniatures
RépondreSupprimerMerci Spock
RépondreSupprimerThank's Al
Très joli récit, comme d'habitude quand on vient flâner de ce côté-ci...et très belles images, les dromadaires et les décors sont magnifiques!
RépondreSupprimerPhil.
Un magnifique CR façon geste coloniale.
RépondreSupprimerLudiquement