Le Königin Luise est un navire à passagers (liner) de 2160 tonnes, lancé en 1913.
Jusqu’à peu, il était la propriété de la HAPAG (Hamburg-Amerikanische Packetfahrt-Actien-Gesellschaft), une compagnie maritime qui dessert les ports de l'Atlantique. En temps de paix, le navire était exploité pour des « croisières Riviera » en Méditerranée au départ de Hambourg avec escale à Gênes et Nice.
Le 1er août 1914, le Königin Luise est réquisitionné par la Kaiserliche Marine et reconverti en mouilleur de mines auxiliaire. La coque est peinte en noir en plus des couleurs civiles chamois.
Avec 200 mines à son bord, il quitte Emden le 4 août sous les ordres du capitaine de corvette Biermann avec ordre de « faire route à toute vitesse en direction de l’estuaire de la Tamise, mouiller des mines aussi près que possible de la côte anglaise ». Une telle mission permet difficilement d’espérer qu’elle pourrait échapper à l’attention de l’ennemi.
Dans la matinée du 5 août, des chalutiers britanniques le repèrent mouiller ses mines à 30 nautiques à l’Est d’Harwitch. Aux alentours de 11H00, deux destroyers classe Laforey (les HMS Lance et Landrail) de la 3rd Destroyer Flotilla détectent l’intrus et entreprennent de le prendre en chasse.
La mer est force 4 sur l’échelle de Beaufort, une ligne de grains épars est en approche poussée par une jolie brise venant du Nord-Est à 12 nœuds. Les vagues sont modérées, entre 1 et 2 mètres. La visibilité est de 12000 mètres mais tombe à 2000 mètres à l’intérieur des grains.
A la vue des deux panaches de fumée noire des destroyers lancés à pleine vitesse et venant par l’Ouest, le Königin Luise pousse ses chaudières à charbon au maximum et prend un cap plein Est en espérant gagner l’abri du front dépressionnaire.
La distance décroît de minute en minute. A 11H15, la pièce de proue du HMS Lance tire le premier coup de canon britannique de la guerre.
L’obus de 4 pouces parcourt les 7000 mètres et tombe dans l’eau, trop court. Les destroyers de classe Laforey n’étant pas pourvus de conduite centrale de tir, les corrections de hausse sont opérées en local. Le HMS Landrail décale quant à lui sur tribord pour se dégager une ligne de vue et ouvre également le feu, sans faire mieux.
Au même moment, à 12000 mètres plus à l’Ouest, apparaît le scout cruiser HMS Amphion de la Harwich Force, sous le commandement du capitaine Fox. Lancé à 26 nœuds, le croiseur léger pousse ses chaudières à charbon au maximum de leur capacité pour rejoindre les deux destroyers.
A 11H20, le Korvettenkapitän Biermann fait mettre cap au Nord-est, espérant rejoindre l’abri de la ligne de grains au plus court. Les obus anglais se font de plus en plus précis autours de lui.
Le feu des destroyers est inefficace jusqu'à ce que le Lance se rapproche à une portée de 4000 mètres et commence à tirer à saturation. Quelques minutes plus tard, un obus percute le Königin Luise au niveau du pont supérieur et provoque un début incendie.
A 11H35, trois croiseurs léger allemands émergent d’entre les grains. Il s’agit des SMS Cöln, Mainz et Rostock du 2e Groupe d’éclairage (II. Aufklärungsgruppe). Les trois bâtiments manœuvrent à 26 nœuds pour se placer en couverture du Königin Luise et commencent à encadrer le Lance avec leurs pièces de 105mm.
A 11H40, parvenu à 3500 mètres de sa cible, le Lance tire 4 torpilles sans résultat. Il est lui-même rapidement encadré par les tirs nourris adverses dont l’un d’entre eux endommage sa pièce de proue.
A 11H50, la ligne de grain recouvre les navires au contact, la visibilité tombe à 2000 mètres.
Les deux camps profitent de ces circonstances pour rompre simultanément le contact et rentrer au port.
Epilogue
Les Britanniques repartent en direction d’Harwich. A bord du croiseur Amphion, le capitaine Fox est incertain quant à l'emplacement des mines posées par le Königin Luise et trace un cours de 6 km à l'Ouest de l'endroit supposée des mines.
Mais l'estimation de Fox est fausse. À 12H55, l’Amphion percute une mine qui explose au niveau de la timonerie. L'explosion met le feu à son gaillard d'avant et casse la quille du navire.
Le destroyer Landrail tente de remorquer le croiseur, mais une fissure profonde sur son pont supérieur montre que la coque se courbe gravement, Fox ordonne à son équipage d'abandonner le navire. Peu de temps après, la sainte-barbe avant explose, ce qui propulse un canon de 4 pouces en l'air qui rate de peu le Landrail. L'un des obus de l’Amphion éclate sur le pont du destroyer Lance, tuant deux de ses hommes. L’Amphion coule rapidement dans les 15 minutes suivant l'explosion, causant la perte de 151 membres de l'équipage.