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28 sept. 2025

Campagne navale Mer du Nord, 1914 - A la poursuite du Königin Luise

Précédemment...

 Le Königin Luise est un navire à passagers (liner) de 2160 tonnes, lancé en 1913.


Jusqu’à peu, il était la propriété de la HAPAG (Hamburg-Amerikanische Packetfahrt-Actien-Gesellschaft), une compagnie maritime qui dessert les ports de l'Atlantique. En temps de paix, le navire était exploité pour des « croisières Riviera » en Méditerranée au départ de Hambourg avec escale à Gênes et Nice.


Le 1er août 1914, le Königin Luise est réquisitionné par la Kaiserliche Marine et reconverti en mouilleur de mines auxiliaire. La coque est peinte en noir en plus des couleurs civiles chamois. 

Avec 200 mines à son bord, il quitte Emden le 4 août sous les ordres du capitaine de corvette Biermann avec ordre de « faire route à toute vitesse en direction de l’estuaire de la Tamise, mouiller des mines aussi près que possible de la côte anglaise ». Une telle mission permet difficilement d’espérer qu’elle pourrait échapper à l’attention de l’ennemi.


Dans la matinée du 5 août, des chalutiers britanniques le repèrent mouiller ses mines à 30 nautiques à l’Est d’Harwitch. Aux alentours de 11H00, deux destroyers classe Laforey  (les HMS Lance et Landrail) de la 3rd Destroyer Flotilla détectent l’intrus et entreprennent de le prendre en chasse.


La mer est force 4 sur l’échelle de Beaufort, une ligne de grains épars est en approche poussée par une jolie brise venant du Nord-Est à 12 nœuds. Les vagues sont modérées, entre 1 et 2 mètres. La visibilité est de 12000 mètres mais tombe à 2000 mètres à l’intérieur des grains.

A la vue des deux panaches de fumée noire des destroyers lancés à pleine vitesse et venant par l’Ouest, le Königin Luise pousse ses chaudières à charbon au maximum et prend un cap plein Est en espérant gagner l’abri du front dépressionnaire.


A bord des destroyers anglais, les chadburns passent à « full ahead » et les cloches retentissent dans la salle des machines ordonnant d’augmenter les bruleurs des chaudières. Poussées à fond, les 4 turbines propulsent les navires à 29 nœuds contre les 20 nœuds du liner allemand. 

La distance décroît de minute en minute. A 11H15, la pièce de proue du HMS Lance tire le premier coup de canon britannique de la guerre.


L’obus de 4 pouces parcourt les 7000 mètres et tombe dans l’eau, trop court. Les destroyers de classe Laforey n’étant pas pourvus de conduite centrale de tir, les corrections de hausse sont opérées en local. Le HMS Landrail décale quant à lui sur tribord pour se dégager une ligne de vue et ouvre également le feu, sans faire mieux.

Au même moment, à 12000 mètres plus à l’Ouest, apparaît le scout cruiser HMS Amphion de la Harwich Force, sous le commandement du capitaine Fox. Lancé à 26 nœuds, le croiseur léger pousse ses chaudières à charbon au maximum de leur capacité pour rejoindre les deux destroyers.


A 11H20, le Korvettenkapitän Biermann fait mettre cap au Nord-est, espérant rejoindre l’abri de la ligne de grains au plus court. Les obus anglais se font de plus en plus précis autours de lui.

Le feu des destroyers est inefficace jusqu'à ce que le Lance se rapproche à une portée de 4000 mètres et commence à tirer à saturation. Quelques minutes plus tard, un obus percute le Königin Luise au niveau du pont supérieur et provoque un début incendie.

A 11H35, trois croiseurs léger allemands émergent d’entre les grains. Il s’agit des SMS Cöln, Mainz et Rostock du 2e Groupe d’éclairage (II. Aufklärungsgruppe). Les trois bâtiments manœuvrent à 26 nœuds pour se placer en couverture du Königin Luise et commencent à encadrer le Lance avec leurs pièces de 105mm. 


A 11H40, parvenu à 3500 mètres de sa cible, le Lance tire 4 torpilles sans résultat. Il est lui-même rapidement encadré par les tirs nourris adverses dont l’un d’entre eux endommage sa pièce de proue.

A 11H50, la ligne de grain recouvre les navires au contact, la visibilité tombe à 2000 mètres.

Les deux camps profitent de ces circonstances pour rompre simultanément le contact et rentrer au port.

Epilogue

Les Britanniques repartent en direction d’Harwich. A bord du croiseur Amphion, le capitaine Fox est incertain quant à l'emplacement des mines posées par le Königin Luise et trace un cours de 6 km à l'Ouest de l'endroit supposée des mines.

Mais l'estimation de Fox est fausse. À 12H55, l’Amphion percute une mine qui explose au niveau de la timonerie. L'explosion met le feu à son gaillard d'avant et casse la quille du navire.


Le destroyer Landrail tente de remorquer le croiseur, mais une fissure profonde sur son pont supérieur montre que la coque se courbe gravement, Fox ordonne à son équipage d'abandonner le navire. Peu de temps après, la sainte-barbe avant explose, ce qui propulse un canon de 4 pouces en l'air qui rate de peu le Landrail. L'un des obus de l’Amphion éclate sur le pont du destroyer Lance, tuant deux de ses hommes. L’Amphion coule rapidement dans les 15 minutes suivant l'explosion, causant la perte de 151 membres de l'équipage.


Le premier jour de la guerre se solde donc par une indéniable victoire des Allemands, leur première attaque contre la côte anglaise est un succès, plus considérable encore dans ses effets car renforçant l’impression de hardiesse et d’agressivité : la Kaiserliche Marine conserve le gain de l’initiative stratégique.





Campagne navale Mer du Nord, 1914 - Prélude

Eté 1914. La crise diplomatique causée par l'assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin et l’ultimatum de l’Autriche-Hongrie à la Serbie précipite les puissances européennes dans l’engrenage fatal.
Début juillet, la diplomatie du Kaiser fait savoir officieusement son soutien aux initiatives austro-hongroises et le mécanisme des alliances se met en marche.  Au sein de l’Admiralstab, les retombées des négociations fébriles sont suivies heure par heure avec une attention extrême ; tout particulièrement concernant l’équilibre des forces en Méditerranée.

Diplomatie (évènements stratégiques 1, 3 et 4)

Le 28 juillet, Vienne déclare la guerre à la Serbie. Le 30, la Russie protectrice des Serbes, décrète la mobilisation générale.

Bien qu'alliée de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie depuis 1882, l'Italie choisit de rester neutre, estimant que le traité de Triple Alliance ne l'oblige à intervenir qu'en cas d'agression contre l'un de ses alliés.

Ce revers de circonstance est en partie compensé par un rapprochement avec l'Empire ottoman, resté jusqu’alors dans une prudente expectative malgré les traités d'alliance. Ce rapprochement n’est acquis qu’après que la Grande-Bretagne ait finalement annulé brutalement la livraison de deux cuirassés destinés à la marine ottomane. La Sublime Porte avait en effet commandé ces bâtiments, les Reşadiye et Reşad-i-Hammiss, pour un coût total de 6 millions de livres sterling. Le règlement de cette somme énorme avait été porté comme grande cause nationale ; taxes, impôts, contributions des habitants et emprunts devaient financer l'achat des deux navires. Par contre, les deux unités saisies viennent compléter les effectifs de la Grand Fleet en mer du Nord (HMS Erin et Agincourt).



En Méditerranée (évènement stratégique 2)

Lorsque la guerre éclate entre l'Autriche-Hongrie et la Serbie le 28 juillet, la Kaiserliche Marine dispose en Méditerranée d’une division (la Mittelmeerdivision) sous les ordres du vice-amiral Souchon et forte de deux unités modernes : le croiseur de bataille SMS Goeben et le croiseur léger SMS Breslau.



Le Goeben est alors mouillé dans le port de Pola en Adriatique, ses chaudières en train d’être réparées. Ne voulant pas être pris au piège, Souchon prend la mer et gagne le port de Brindisi le 1er août, mais les autorités portuaires italiennes trouvèrent des prétextes pour éviter de charbonner le navire. Le Goeben est rejoint par le Breslau à Tarente et la division accoste à Messine où Souchon peut obtenir 1 800 tonnes de charbon de navires marchands allemands.



Sans ordres spécifique, Souchon décide de regagner l’Allemagne par Gibraltar mais le 3 août à 18h, il reçoit l’information que l'Allemagne a déclaré la guerre à la France. Il prévoit alors de bombarder les ports d’embarquement de Bône et de Philippeville en Algérie française. Tôt le 4 août, Souchon reçoit finalement un contre-ordre de l'amiral Alfred von Tirpitz : « Accord avec le gouvernement ottoman conclu. Mettez immédiatement le cap sur Constantinople ».

En mer du Nord (introduction)

Le 1er aout, l'Allemagne, alliée de l'Autriche-Hongrie, déclare la guerre à la Russie tandis que la France mobilise à son tour. Le Royaume-Uni déclare qu’il garantit la neutralité belge.

Le 2 août, l'amiral de la flotte von Ingenohl réunit à son bord ses chefs d’escadre pour analyser la situation.



Pénétrés des mêmes principes régnant dans l’armée de terre, les cadres de la marine ne conçoivent la guerre sur mer qu’en tant que recherche d’une offensive foudroyante devant conduire à l’annihilation rapide des forces principales de l’ennemi. Mais ces officiers savent aussi compter : aux 24 grands navires de ligne de la Grand Fleet, la Hochseeflotte n’en oppose que 16. Dans les eaux anglaises, on admet encore 36 cuirassés pré-dreadnought (construits entre 1890-1905), 20 grands croiseurs de la même génération , 35 croiseurs légers, 155 torpilleurs d’escadre, 7 sous-marins de haute mer, 51 sous-marins de défense côtière. En navires de même espèce, les Allemands ne comptent que, respectivement, 22, 5, 14, 88 10 et 18 unités. Les forces de la Royal Navy dans la mer du Nord sont donc considérablement supérieures aux forces allemandes. Par conséquent, tous s’accordent pour penser que l’Anglais va attaquer, et ce incessamment dès la déclaration de guerre. Mais alors que faire ?

En approchant des côtes, on compte que la Grand Fleet sera exposée aux attaques des flottilles de torpilleurs qu’on juge supérieurement entraînés et bien armés en torpilles puissantes ; elle souffrira également des mines, et par ces moyens de la « petite guerre » (Kleinkrieg), l’Allemand espère arriver à une égalisation des forces. On espère aussi pouvoir profiter d’occasions où la Grand Fleet sera divisée ou gênée dans sa navigation, pour lui porter des coups sinon décisifs, du moins de nature à compromettre la tenue du blocus des côtes et à assurer à la Hochseeflotte l’accès à l’océan.



Concernant les grands bâtiments de la flotte, on décide d’abandonner la Baltique aux Russes et de concentrer les escadres dans la mer du Nord. Mais la crainte des destroyers, sous-marins et mines de l’ennemi les fait remiser tout au fond des estuaires de la Jade et de l’Elbe, à l’abri de leurs propres barrages et derrière les nombreux bancs qui rendent si dangereuse la navigation dans la baie allemande. Bouées, balises, bateaux-feux sont tous détruits ou déplacés : il est impossible à celui qui n’est pas dans le secret de ces mesures d’approcher des côtes.



La Hochseeflotte est en sûreté. Mais alors se pose un dernier problème : elle est bien loin de la haute mer où ses croiseurs et cuirassés peuvent se déployer librement ; elle ne peut sortir que par de longs et étroits chenaux, parfois impraticables à marée basse. Il lui sera donc difficile d’arriver en force et à temps pour contrer une offensive résolue de l’ennemi. Pour parer à toute surprise, les Allemands élaborent un dispositif d’alerte avancé : patrouilles de surveillances poussées aussi loin que possible au large à partir de l’île fortifiée d’Héligoland (effectuées en plusieurs lignes concentriques par des torpilleurs, des sous-marins et des dirigeables). Héligoland devient ainsi une base importante d’unités légères, poste avancé redoutable pour qui veut s’approcher des sanctuaires où mouille la flotte. L’île est de plus formidablement défendue par une puissante artillerie côtière, très moderne, et ne craint rien d’une attaque par mer. En outre la sécurité rapprochée de chacun des estuaires est assurée par des flottilles composées de croiseurs légers obsolètes.



Le 4 août au soir, à 19H47, le signal TSF « Etat de guerre avec l’Angleterre déclaré » est transmis à toutes les unités. Au grand étonnement des Allemands, on ne voit rien venir pendant la journée du 5, aucun navire anglais dans la baie allemande à l’exception de deux ou trois sous-marins entrevus furtivement dans la brume.

Pour autant, les opérations de course et de petite guerre contre la côte anglaise débutent immédiatement. Moins de deux heures après le signal du début des hostilités, le mouilleur de mines auxiliaire Königin Luise sort de l’Ems pour entreprendre un raid contre l’embouchure de la Tamise.