Le front allemand a éclaté, et n'est plus constitué que d'une succéssion de poches qui cherchent à se replier.
Quelques renforts leur sont dépêchées, alors que les soviétiques, maintenant un peu en bout de course, ont des problèmes de regroupement et de logistique...
Le kolkhoze n° 77 était une base arrière de la 9ème armée.
Son occupation se justifiait notamment par la nécessité de contrôler les accès au pont sur la rivière Molchad, et d’y orienter les convois des unités de
combat ou du train entre la ligne de front et la gare de Baranovitchi .
Les effectifs de sa garnison, gendarmes, techniques et administratifs, étaient de la taille d’une faible compagnie, sous le commandement du hauptmann Spontz.
L’ambiance relativement calme, seulement ponctuée par le passage de convois, allait s’en trouver changée en ce début juillet 1944 suite à l’avance de l’armée rouge.
Des débris d’unités, des rames de camions chargés de blessés, d’auxiliaires, d’amoncellement de bric-à-brac de toutes sorte, des soldats à pied en loques, parfois sans armes, l’ensemble se pressant pour passer le pont, avec en fond sonore le grondement crescendo du canon, tout cela pour traduire une rapide dégradation de la situation sur le front.
Spontz était peu enthousiaste à l’idée de se retrouver avec ses cuistots secrétaires et autres mécaniciens en première ligne.
Les mains dans le dos, faisant les cent pas dans le bureau de son adjoint des transmissions le feldwebel Cavallo, le responsable du 77 attendait une réponse positive à sa demande d’abandonner le kolkhoze et de faire sauter le pont, une fois les dernières unités en retraite passées.
Convaincu que l’état major irait dans son sens, il avait déjà donné des ordres de préparatifs et réquisitionné des camions de passage.
Le message de retour lui parvint peut de temps après, sans équivoque :
« Tenir sans esprit de recul, des renforts de la 12ème Pz division vous arrivent ».
Une fois remis de leur surprise et leur colère retombée, Spontz et Cavallo se répartirent rapidement les tâches pour tenter de monter une défense cohérente.
Peu de temps après, un jeune officier de la luftwaffe se présentait au bureau en claironnant :
« La section F.L.A.K. de renfort à vos ordres !...».
« On a pas vu pareille victoire depuis Stalingrad !... ».
S’essuyant d’un grand revers de manches après la dernière bouchée de sa boîte de ration américaine, le major Vladimir Dimitrievitch Jessiouk, commandant un des bataillons de la 48ème armée jeta la conserve dans le feu de camp et afficha un large sourire.
« Oui Volodia, mais je trouve que les compagnies Totov et Leflonov se sont trop éloignées !... » objecta le politrouk Kaliev.
Jessiouk repoussa la remarque d’un geste de la main :« On pouvait pas laisser tous ces facistes s’échapper, fallait bien leur donner la chasse ! As-tu vu tous ces prisonniers qu’on a envoyés à l’arrière ? de toute façon Totov et Leflonov savent qu’on se retrouvera demain à hauteur du kolkhoze ; maintenant je dors 2 heures !... » .
Pour l’escadron Von Lothar, la retraite a été difficile ; jugeons-en :
En 48 heures, la moitié de l’effectif monté disparu, et 3 des 8 automitrailleuses en dotation détruites ou abandonnées, plus de camions, le tout sous les coups des partisans ou des V.V.S.
Mais finalement, les restes de l’escadron dit "de sécurité" n° 15 se trouva être à la tombée de la nuit en vue du pont enjambant la Molchad.
Cependant, 15 mois ininterrompus de lutte contre les « terroristes » avaient rendu les cavaliers prudents : on attendrait le petit jour pour traverser les 2 kms de glacis menant au kolkhoze, et d’ici là les retardataires auraient rejoint.
Et pour finir de planter le décor, il faut évoquer l’épopée de l’oberst Vattiling, officier d’artillerie sans canons qui, retraitant depuis une semaine le long de la Molchad avec les éléments épars de plusieurs divisions, fantassins, artilleurs, sapeurs…, récupérant en cours de route des isolés, n’hésitait pas à faire le coup de feu comme un simple grenadier quand les groupes d’éclaireurs soviétiques le talonnant devenaient trop pressants.
Lui aussi ressentit une bouffée de soulagement en vue des lignes allemandes.
Au petit matin, un groupe de trois Pe 2 apparu dans le ciel.
Volant à 2500 mètres d’altitude, ils lâchèrent leur cargaison directement sur le pont malgré une sévère opposition de F.L.A.K.
Une fois la fumée dissipée et les avions partis, le constat fut net :
Plus de pont !... sans compter quelques camions.
Sans s’être concertés au préalable, et comme si chacun d’eux attendait ce signal, Vattiling et Von Lothar se mirent en mouvement pour se retrouver en contact visuel.
Scindant leur unité en trois, les cavaliers allemands se déployèrent aux lisières des bois tandis que leurs SDKFZ 221 et 222 allaient prêter main-forte à leurs camarades piétons.
Ces derniers étaient suivis de près, et même précédés par des tireurs d’élite les traquant de l’autre côté de la rivière. Quelques tirs bien ajustés bloquèrent la mise en batterie de plusieurs pièces d’artillerie, au moment où déboulaient sur table les premiers éléments du major Jessiouk.
La curée fut évitée par l’intervention des cavaliers démontés et des automitrailleuses, qui bien que déclassées en 1944 firent preuve de leur efficacité *.
Malgré leurs canons antichar et leurs mortiers, les soviétiques furent stoppés et même repoussés, à la déconvenue de Jessiouk.
Son arrivée sur la table lui permit cependant de renouer contact avec ses deux « compagnies perdues », lesquelles avaient déjà engagé leurs sections de mortiers contre les regroupements allemands.
La présence de l’unité de F.L.A.K. en soutien du kolkhoze, dotée en plus de ses pièces d’un bon matériel de transmissions, permit aux allemands d’avoir un facteur d’initiative supérieur à celui des unités d’origine, facilitant l’entrée sur table d’une section du génie, d’un peloton de JG PZ IV et de l’échelon d’observation (D.L.O.) d’une batterie de « Wespe ».
Les soldats des compagnies Leflonov et Totov, rongeant leur frein, partirent enfin à l’assaut du kolkhoze sans soutien terrestre, mais encouragés par l’apparition d’un groupe de LAGG 7.
Prenant la route principale comme axe d’attaque, le premier appareil amorçait déjà sa descente, prêt à vider ses chargeurs contre la multitude de cibles s’offrant à lui.
Les gerbes de traçantes d’un quadruple 20 mm bien positionné, grêlant sur son habitacle, furent la dernière vision du pilote, dont l’avion explosa en vol.
Les trois autres LAGG n’insistèrent pas.
L’assaut sur les premières baraques du kolkhoze, d’abord laborieux, finit par aboutir, appuyé par des « Stuart » et des T70 saturant les façades plâtreuses d’obus et de rafales de mitrailleuses.
Ce répit laissera le temps à la section du génie de réparer le pont, avant de le faire sauter une fois passé le dernier soldat allemand encore présent sur la table.
Les pièces de F.L.A.K., couvrant la retraite seront sans doute sabordées, mais l’encerclement a été évité…
*J’ai oublié les jets de sauvegarde contre les tirs des automitrailleuses.
Le résultat aurait été le même, un repli, mais avec moins de pertes.
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