Le 15 septembre 1950, le général américain MacArthur s’empara de l’initiative stratégique en débarquant ses Marines à Inchon, derrière les lignes ennemies. Prises à revers et contre-attaquées simultanément par la 8e Armée, les troupes d’invasion nord-coréennes massées le long du Nakdong se désagrégèrent rapidement. Séoul fut reprise le 26 septembre.
Le 1er Octobre, la 8e Armée US franchit le 38e parallèle et pénétra en Corée du nord. Elle fit face à une forte résistance pendant environ une semaine avant de prendre Pyongyang (capitale nordiste) le 19, après quoi l’armée de Kim Il Sung s’effondra purement et simplement. Le 25, des éléments avancés atteignaient le fleuve Yalu et la frontière chinoise.
La participation des Etats-Unis à la guerre sous l’égide de l’ONU alerta grandement les communistes chinois au pouvoir depuis moins d’un an. Une victoire américaine en Corée, associée au récent blocus du détroit de Taiwan, menacerait aussi bien leur sécurité que leurs intérêts stratégiques.
Les Chinois usèrent de différents canaux diplomatiques pour prévenir les Américains de leur possible intervention si ceux-ci devaient s’approcher trop près de leur frontière. Mais hypnotisé par l’idée d’une victoire totale avant la fin de l’année, MacArthur (ainsi que le président Truman) négligea ces allusions. Lorsque le front se rapprocha de plus en plus de la Mandchourie, région industrielle de première importance , le président Mao Tsé-toung autorisa les « volontaires » chinois (en fait, pas moins de 270 000 vétérans de l’Armée de Libération Populaire sous les ordres de Peng Dehuai,) à franchir la frontière.
La première phase de l’offensive chinoise commença le 25 octobre, quand la 39e Armée des volontaires du peuple attaqua le 2e Corps sud-coréen (ROK : Republic of Korea), étrillant sa 6e Division. Le commandement allié fut totalement pris par surprise et perdit plusieurs jours avant de réaliser la gravité de la situation. De plus, la trop grande extension des lignes fit porter la menace sur le 2e corps ROK tout entier qui s’enfuit, laissant le flanc droit de la 8e Armée US à découvert. Le 29 octobre, les boys du 8e régiment de Cavalerie US furent envoyés à la rescousse du 1er Corps ROK, désormais dans la ligne de mire de trois divisions chinoises, à proximité de la commune rurale d’Unsan.
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« Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles qu'on a le plus d'intérêt à savoir »
(Fameux proverbe chinois)
Dès l’aube, tous l’avaient remarqué ; les GI’s de première ligne, le commandement du 8e de cavalerie, et même les artilleurs du 99e bataillon d’artillerie positionné pourtant à plusieurs kilomètres au sud du front d’Unsan : le long panache de fumée blanche s’élevait mollement au nord, derrière les collines. Les plus présomptueux avaient parié sur des frappes aériennes ou encore que l’armée nord-coréenne, en pleine déroute, brûlait son matériel lourd avant de s’abriter derrière la frontière chinoise. Après tout, Mac Arthur l’avait suffisamment claironné : l’affaire était entendue, la Corée unifiée sous l’égide américaine …. pardon, onusienne et tous seraient de retour au pays pour la dinde de Thanksgiving !
Lorsque un deuxième, un troisième, puis une douzaine d’autres panaches vinrent lentement obstruer l’horizon, même les plus irréductibles optimistes commencèrent à douter. Quelque chose se trame au nord….
Progressant ainsi à l’abri de l’aviation alliée, trois divisions chinoises de la 39 Armée des « volontaires du peuple » s’apprêtent à lancer leur offensive contre le 1er corps sud-coréen. Dans leur ligne de mire, les boys du 8e de cavalerie, avant-garde de la 8e Armée US.
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« Ne vous mettez pas en avant, mais ne restez pas en arrière. »
(L'art de la guerre de Sun Tzu)
Convoyés par camions dans la matinée du 1er novembre pour relever le 12e régiment sud-coréen (ROK : Republic of Korea), les fantassins du 8e de cavalerie (appartenant à la célèbre « First Cav Division ») ont pris position dans les tranchées sommaires laissées par leurs prédécesseurs.
Alors que la température glaciale du matin fait place à un après-midi frais mais ensoleillé, la canonnade se fait soudainement entendre à l’est, au-delà de la rivière Samtchan, dans le secteur sud-coréen. La rumeur d’une intervention chinoise de grande envergure se répand rapidement et commence à rincer le moral des boys.
Au nord, les patrouilles détachées des 1er et 2e bataillons sont violemment accrochées sur les pentes du mont Obong. Les chefs de groupes envoyés là haut sont formels, il s’agit bien de soldats chinois. Au fil des heures, la pression ennemie devient même de plus en plus intense et se rapproche à proximité du périmètre, provoquant des tirs de riposte d’armes lourdes, puis de l’artillerie US. En fin d’après-midi, les tirs sporadiques de réglage de mortier lourds chinois tombent ici et là dans la cuvette d’Unsan.
Plus grave encore : la liaison avec le 5e de cavalerie (en soutien du flanc arrière gauche) via la route sud-ouest est coupée par la présence de nombreux partis ennemis. L’engagement d’un bataillon du 5e Cav., malgré plusieurs tentatives appuyées par l’aviation, n’arrive pas à dégager le passage. Le soir approchant, le front sud-coréen cède sous les coups de butoir de la 117e division chinoise. Le 15e régiment ROK, couvrant le flanc droit du 8e Cav., décroche à son tour en direction du sud-ouest.
Il faut bien désormais se rendre à l’évidence, le régiment est pris dans la nasse et menacé d’encerclement. Vers 22H30, après plusieurs minutes d’accalmie de très mauvaise augure, l’ordre de retraite arrive aux PC avancés des trois bataillons : «décrochage en direction de la bourgade d’Ipsok » (derrière la rivière Kuryong qu’il faudra traverser à gué).
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« Le bœuf est lent, mais la terre est patiente »
(Proverbe chinois)
Alors que la pleine lune est déjà haut dans le ciel, la préparation d’artillerie chinoise donne le signal de départ aux trois régiments d’infanterie chargés de submerger la position avancée US. Tirant à saturation, les salves de Katioucha, les tubes de 120mm se déchaînent sur les tranchées de première ligne, ciblant également la bourgade d’Unsan. Le pilonnage s’étend ensuite méthodiquement à toutes les voies d’accès, croisements, hauteurs…
Côté chinois, sept bataillons (précédés de patrouilles d’éclaireurs et de snipers) reçoivent l’ordre de monter en ligne : au nord-est, débouchant par la cote 199 anciennement tenue par le 15e ROK, un bataillon du 346e régiment d’infanterie se lance (avec quelque retard) à la poursuite des sud-coréens. Plus à droite, le long des berges de la rivière Samtchan, les deux autres bataillons du régiment attaqueront frontalement en direction d’Unsan tenu par le 1/8 du Major John Millikin.
Deux bataillons chinois du 347e régiment entament quant à eux l’ascension du mont Obong pour ensuite se déverser dans la cuvette tenue par le 2/8 du Lt. Col. William Walton. A l’ouest, le bataillon du camarade Yi est chargé de contourner le hameau de Maebong-dong pour tourner les lignes du 3/8 par le sud, en traversant la rivière Nammyon. Sur sa droite, un bataillon du 348e régiment descend des hauteurs de la « colline du clairon » (Bugle Hill) pour s’infiltrer le plus profondément possible sur les arrières du 8e Cav. et « fermer la porte » vers Ipsok.
Malgré les reconnaissances répétées et la précisions des consignes, certaines unités chinoises marquent le pas et connaissent quelques contre-temps de dernière minute pour d’obscures raisons : au premier bataillon du 347e régiment notamment, le camarade commandant Weï est instamment convoqué au PC du général Whou pour une séance urgente d’ « autocritique » (aussitôt remplacé à son poste par le commissaire politique Zhou, plus « motivé » mais certainement moins compétent).
De nuit, l’ascension du mont Obong est plus lente que prévu, la progression se fait en file indienne derrière les chefs de cellule (terminologie chinoise pour désigner le caporal chef de groupe) dans le dos desquels il a été cousu un triangle blanc pour être plus visibles.
Sur les crêtes de « Bugle Hill » les deux bataillons de volontaires progressent quant à eux plus rapidement.
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« Il est difficile d'attraper un chat noir dans une pièce sombre, surtout lorsqu'il n'y est pas. »
(Proverbe chinois)
En avant garde, les unités de reconnaissance chinoises ont pour ordre provoquer les premières lignes ennemies pour les forcer à se découvrir.
Dans les tranchées du 3/8, la tension est en effet plus que palpable. Entre deux salves de 120mm., le son des clairons et des gongs perce l’obscurité. L’ennemi semble être partout et nulle part. Les GI’s arrosent nerveusement tout mouvement suspect, tirant au jugé et sans ordre. Pourtant, les munitions sont comptées depuis le départ des camions vers Ipsok.
Terrés dans leurs abris et soumis au harcèlement continuel des tirs de sniper, les observateurs s’arrachent les yeux pour acquérir une cible valable. Comme d’habitude, les radios sont en rade ou l’artillerie demande un délai d’attente inacceptable pour les tirs d’éclairants. La batterie de 155mm, seule capable de tirer en contre-batterie sur les 120mm et Katioucha de l’ennemi est injoignable.
Devant Unsan, le 1/8 du major Millikin, éclairé comme en plein jour par l’incendie de la localité et incapable de retraiter à travers les flammes, essaye désespérément de contacter le colonel Bruce Palmer pour obtenir la couverture des chars M4A-E8 (Sherman Easy Eigth) placés en réserve.
Le 2/8 est quant à lui provisoirement épargné, les compagnies Dog et Easy (à gauche d’Unsan), décrochent lentement, couvertes par la compagnie Fox restée en arrière.
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« Dix veilleuses ne valent pas une lampe. »
(Vieux proverbe mandchou)
A quelques centaines de mètres au sud d’Unsan, le colonel Palmer tente de se faire une idée précise de la situation en constante évolution. Les rapports confus qui commencent à parvenir de ses unités sont systématiquement croisés avec les informations plus fraîches qui lui parviennent par radio. Mais le trafic est saturé d’informations contradictoires et plus personne ne respecte les procédures.
Sur les hauteurs du mont Obong, les hommes de la compagnie Able du 1/8 peuvent apercevoir la concentration de deux bataillons du 347e régiment ennemi se masser pour lancer leur vague d’assaut. Une frappe d’artillerie est immédiatement demandée par l’observateur. Elle arrive, mais mal cadrée, tombe trop en retrait. Bloqués par le feu nourri des mitrailleuses auquel se joint bientôt celui des mortiers de 82mm, les hommes du major Millikin sont cloués au fond de leurs tranchées.
Le deuxième bataillon quant à lui continue d’évacuer ses positions sous les tirs croisés provenant des hauteurs du mont Obong et des snipers embusqués sur la berge opposée de la rivière Nammyong.
A l’est de la rivière Samtchan, les sud-coréens sont fauchés par un feu nourri provenant des hauteurs de la cote 199. Placées à découvert, deux sections ROK sont rapidement décimées. Mais leurs propres mitrailleuses font également payer un lourd tribu aux assaillants, il en faut plus cependant pour stopper les rudes soldats chinois lancés à leur poursuite.
Devant le peu d’efficacité de son artillerie, le colonel Palmer décide de soutenir ses flancs menacés par ses blindés. Un peloton de 4 Sherman « Easy Eigth » est envoyé pour renforcer le 3/8 et interdire à l’ennemi toute percée d’importance sur les arrières du régiment. A mi-parcours, les 4 tanks sont pris sous un tir de barrage de 120mm. Sans visibilité et lancé à pleine vitesse, le char de tête verse dans un cratère encore fumant, bloquant la progression de la colonne toute entière.
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« L'oeil le plus sûr ne vaut pas une règle »
« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt »
(Vieux proverbes chinois)
Désorganisation, confusion et chaos commencent à s’installer dans les rangs US. Saturés par les demandes de support, les artilleurs du PC de tir des deux batteries de 105mm commencent à perdre leur sang froid. Mauvaise réception des coordonnées de tir, erreur de calcul ? Les conséquences vont s’avérer tragiques.
Une frappe de 105mm tombant trop courte vient d’abord estourbir les compagnies Able et Baker de 1/8.
Quelques minutes après, c'est au tour du 3/8 du major Ormond de subir la même punition au moment même où les premières vagues des troupes d’assaut chinoises (« Thien Lien ») surgissent de l’obscurité au débouché du pont sur la Nammyong !
Dans la panique, une demande urgente de frappe à l’adresse des deux batteries de 105 ,auxquelles se joignent les 155, cible la colonne de Sherman !!!
L’assaut qui s’ensuit est furieux : estourbis par leur propre artillerie, les tankistes sont submergés par les vagues Thien Lien.
L’assaut chinois se prolonge à gauche sur les tranchées du 3/8, repoussé par un violent feu des boys de la compagnie George soutenus par la section de mitrailleuses Browning .30.
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« Si quelqu'un t'a fait du mal, ne cherche pas à te venger. Va t'asseoir au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre. »
(Proverbe chinois)
Les chinois encaissent les coups sans broncher et préparent leur deuxième assaut sur les positions du 3/8.
Sentant la situation lui échapper, Palmer ordonne aux mortiers de soutien de quitter le champ de bataille. Le 8e de cavalerie perd son artillerie de poche.
A droite, un autre bataillon profite de la situation pour franchir la Nammyong et progresser vers le gué de la rivière Kuryong….la 116e division des volontaires referme la nasse.
Plus au nord, un régiment entier dévale les pentes du mont Obong pour participer à la curée …
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« L'eau renversée est difficile à rattraper. »
(Proverbe chinois)
Vers trois heures du matin, la situation des troupes onusiennes devient intenable.
Les sud-coréens de 15e ROK doivent franchir un bras de la Samtchan poursuivis par un bataillon chinois
Le 1/8 reste scotché aux abords d’Unsan. Par groupes de 3 ou 4, les GI’s s’éparpillent dans la nature.
Si le 2/8 a reculé de plusieurs centaines de mètres, il doit encore en parcourir autant pour rejoindre la route d’Ipsok maintenant sous le feu nourri des Katiouchas. Là aussi, de petit groupes se dispersent pour rejoindre le gué de la rivière Kuryong.
Le 3/8, sérieusement accroché sur son front ne peut tenir qu’à l’abri de ses tranchées et encore sans ses mortiers. Qu’arrivera t-il après ?
Le PC du colonel Palmer est lui aussi bloqué sur la route d’Ipsok par les bombardements chinois.
A Ipsok, l’état major de la division planifie à la hâte l’intervention de l’US Air Force dès que les premières lueurs du jour le permettront. Quoi qu'il puisse arriver, les forces de l'ONU doivent maintenant retraiter pour éviter la catastrophe.
Dire que pendant que se passaient ces événements épiques, je venais (tranquillement?) au monde, si loin de là, ce 29 octobre, vers 7 heures 15 du matin (oui: je suis nombriliste, haha!!)...
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