Dès le 10 juillet 1951, les délégués des deux camps se rencontrent à Kaeson, à proximité de l’ancienne ligne de démarcation, pour discuter des conditions d’un armistice.
Sur le terrain, le conflit s’enlise dans une guerre de positions. Les Chinois alignent neuf corps d’armées et en possèdent douze en réserve, soit avec les forces nord-coréennes, près d’un million de soldats. Les Alliés, en infériorité numérique flagrante face à l’effectif des troupes sino-coréennes, se maintiennent grâce à leur aviation et leur artillerie.
Si la suprématie dans ce dernier domaine appartient encore aux Alliés, les troupes communistes s’efforcent de combler leur retard avant de pouvoir reprendre leurs offensives de masse.
Dans le secteur Est, (tenu par le Xe Corps US) il s'agit pour le commandement allié d'améliorer une situation que la fin de l'offensive de juin avait laissée par trop défavorable et d'enlever à l'ennemi un massif important qui gardera le nom de "Crèvecœur" (Heartbreak ridge pour les américains).
Cote 851, octobre 1951 (source : ECPA) |
Cote 931, mai 1960 (source : Life magazine) |
Cet imposant massif s’étire du sud au nord sur près de 5 kilomètres. Sur la ligne de crête se succèdent les cotes 894, 931 et 851.
Les deux versants est et ouest sont quant à eux quasiment impraticables.
C’est donc par le versant sud et la cote 894 qu’il faudra mener l’assaut avec quelque chance de succès. Au-delà de la cote 894, le terrain qui permet de grimper jusqu’à la cote 931 forme un glacis battu par les feux croisés des défenseurs qui couronnent le sommet.
Encore plus en retrait, les nord-coréens ont positionné leurs réserves à contre-pente, prêtes à contre-attaquer si d’aventure la cote 931 tombait aux mains des assaillants.
Du 1er septembre jusqu’au 11, l’artillerie américaine et l’US Air Force vont s’efforcer d’écraser les positions ennemies sous un déluge de feux roulants.
Mais le massif est truffé de blockhaus camouflés et d’abris de toutes sortes où l’ennemi se terre à chaque raid aérien pour ressurgir une fois le danger passé.
C’est finalement au 23e régiment d’infanterie US (Indian Head) du colonel Freeman qu’échoit la difficile mission d’enlever le piton de Crèvecœur.
Outre les trois bataillons formant l’épine dorsale du régiment, Freeman dispose d’un bataillon composé de volontaires français.
Incorporé au 23e régiment d’infanterie au sein duquel il va servir pendant toute la durée de la guerre, le nom officiel de ce bataillon était Forces terrestres françaises de l’ONU, mais à l’usage, il devint le bataillon de Corée ou simplement le bataillon français. À sa tête se trouvait un commandant d’infanterie à la réputation quasi légendaire : le général de corps d’armée Ralph Monclar.
Les quatre bataillons seront assistés dans leur progression par les sapeurs de la compagnie B du 2d Engineer Combat Battalion, équipés de lance-flammes et bazooka M-20.
L’assaut sera soutenu par une artillerie redoutablement puissante : 6 batteries d’obusiers de 105mm (15th et 37th Field Artillery Batallions) ; 3 de 155mm (12th Field Artillery Batallion) et une batterie de 8 inches chargée de tirer en contrebatterie contre les pièces ennemies qui se dévoileraient au repérage gonio.
TOUR 1
Le 15 au matin, après plusieurs faux départs dus en grande partie au manque de liaison entre l’artillerie et les PC de bataillon ainsi qu’au manque d’interprètes français-anglais, l’assaut est lancé.
Le bataillon français ouvrira la marche et devra s’emparer de la cote 894.
Il sera supporté par le 1/23 qui lui emboitera le pas. Sur le flanc droit, le 2/23 progressera vers le versant est tandis que le 3/23 progressera vers le versant ouest. Une fois la cote 894 enlevée, les français seront relevés par le 1/23 qui devra grimper jusqu’au sommet (cote 931).
Le Bataillon français progresse en tête. La première compagnie déployée en tirailleur est alignée sur la 2e compagnie (composée entièrement de sud-coréens). Au premier plan, la section de génie d’assaut, sur le flanc opposé, la section de mitrailleuses. A moins de cent mètres sur l’arrière, la troisième compagnie est en support, accompagnée de la section de canons sans recul. Plus loin sur la Start line, la section de mortier du bataillon est déjà en batterie.
Placée en "sonnette" sur la cote 894, une compagnie nord-coréenne du 15e régiment d’infanterie (6e division de l’Armée populaire) donne l’alarme et s’apprête à défendre chèrement sa position.
A sa gauche, les servants d’une section de pièces antichar de 45mm se tiennent prêts à ouvrir le feu tandis que l’observateur d’artillerie évalue les coordonnées de tir.
Sur le flanc droit du dispositif US, le 2e bataillon (Lt. Col. James W. Edwards) se déploie à son tour pour entamer sa progression.
L’ascension du 2e bataillon débute sous les tirs de snipers. La section de mitrailleuses est prise à partie et doit s’abriter.
A 150 mètres, les mitrailleuses Maxim nord-coréennes et les tubes de 45mm ouvrent le feu sur le bataillon français sans grand effet.
TOUR 2
Électrisés par la présence de l’ennemi, les français accélèrent le pas et s’élancent à l’assaut, baïonnette au canon, sans même attendre la préparation d’artillerie ni le soutien de leurs armes lourdes.
Arrivés à portée de jet de grenade, les nord-coréens font flèche de tout bois sur les hommes de Monclar.
Les pertes commencent à s’accumuler, surtout dans les rangs de la deuxième compagnie (sud-coréens).
Face aux mitrailleuses terrées dans leurs blockhaus, la section de génie essuie des pertes importantes, mais les lance-flammes arrivent à portée de tir. Les servants nord-coréens abandonnent leurs positions laissant derrière eux armes et caissons de munitions pour refluer précipitamment.
De son côté, la première compagnie française prend facilement le dessus sur les servants des 45mm, la redoute est investie et rapidement nettoyée.
Exploitant ce succès, la première section poursuit son avance sur le revers sud-est de la cote 894 et parvient à capturer l’observateur d’artillerie ennemi avant qu’il ne détruise son matériel. La deuxième section, quant à elle, oblique à gauche le long des tranchées et accroche de flanc la section d’infanterie nord-coréenne qui a réussie à repousser une section française en lui infligeant des pertes importantes.
Du côté de la deuxième compagnie, le corps à corps est plus âpres et un moment indécis. Mais après un dernier effort et le soutien de la troisième compagnie, les sud-coréens reprennent pied et investissent les tranchées ennemies.
Les deux compagnies ont perdu chacune un tiers de leur effectif (tués, blessés, choqués) mais les hommes de Monclar sont sur le point d’être maîtres de la cote 894.
TOUR 3
Au centre, le 1/23 (Lt. Col. George Russell) se prépare à exploiter le succès français pour s’élancer à son tour vers l’objectif final, la cote 931.
A gauche, le 3/23 (Lt. Col. Charles Kane) formé en colonnes de compagnies progresse rapidement et parvient au pied du versant ouest.
Après moins d’une heure de combat, les franco-américains ont parcouru la moitié du chemin, mais le plus dur reste à faire.
Surtout que de son côté, l’ennemi ne reste pas inactif. Située à quelques kilomètres à l’ouest sur une colline que les américains ont surnommé «le chien de garde», l’artillerie nord-coréenne déclenche un tir de barrage sur la pente qui mène à la cote 894.
La riposte de l’artillerie nord-coréenne frappe le 1/23 en pleine ascension.
Les pertes sont minimes, mais le bataillon est cloué au sol pendant quelques dizaines de minutes. A l’arrière, le repérage gonio permet de cibler une batterie de 122mm qui est immédiatement prise en contrebatterie par les pièces de 8 inches.
Sur la cote 894, les derniers défenseurs nord-coréens se rendent, la position est définitivement tombée.
Les Français restent maîtres de la ligne fortifiée, mais sont pris sous le feu des mortiers qui tirent du sommet.
TOUR 4
Sur le versant ouest, le 3/23 entame son ascension vers le sommet (cote 931) sans avoir rencontré l’ennemi.
A mi pente, le 3/23 se déploie. La cote 931 n'est plus qu'à 300 mètres à peine.
Alors que les Gi’s de la deuxième compagnie progressent en tirailleurs, une compagnie ennemie embusquée dans les broussailles se révèle et ouvre le feu à moins de 60 mètres.
Heureusement pour les américains, l’armement des nord-coréens est de piètre qualité et ne leur permet pas de maintenir la supériorité du feu. En sous nombre, les fantassins de Kim Il Sung préfèrent plutôt rompre le contact pour tenter de regagner le sommet.
TOUR 5
Agacé par cette mauvaise surprise, le Lt. Col. Kane lance ses hommes à la poursuite des uniformes moutardes. Sa deuxième compagnie attaque frontalement tandis que les deux autres manœuvrent en colonne pour tenter de couper la route de l'ennemi.
Au centre, le 1/23 se déploie sur le glacis et progresse vers le sommet sous le feu des mitrailleuses Maxim et des mortiers de 82mm.
TOUR 6 ET FIN DE PARTIE
Mais cette fois ci, l’artillerie donne à plein.
En quelques dizaines de minutes, trois bataillons d’artillerie (plus de 50 tubes !) déversent un déluge de feu sur la position fortifiée nord-coréenne.
Bien que trés sérieusement sonnées, les troupes de Kim Il Sung s’accrochent au terrain. Il va falloir aller les chercher.
Couvert par le 2/23, les français s’approchent à distance d’assaut.
Sur le flanc gauche, le 3/23 est finalement venu à bout de la compagnie embusquée.
Au centre, le 1/23 perd sa première section, mais l’objectif est à portée de charge !!!
FIN DE PARTIE
Au tour 6, il est déjà 19 heures dans la réalité .
La partie s’achève faute de temps, disons aussi faute de munitions.
Impossible à ce stade de déterminer ce qui se passera. Les pertes sont de 5 sections contre 8 à la faveur de défenseur, ce qui est un ratio «normal» et acceptable.
Positions finales sur le flanc droit du 23e régiment |
Positions finales sur le flanc gauche du 23e régiment |
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