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7 mars 2015

A la poursuite d'Omar : 1904 - Fiction

Extrait des mémoires du général de brigade Léonce BOURRIN, Inspecteur émérite de l’École supérieure de guerre et gouverneur de la place de Limoges. Texte paru sous le titre « De Tombouctou à Mulhouse - Trente ans au service de la France », ouvrage préfacé par le général Flageolet, achevé d'imprimer : mars 1915, Paris : éditions Rosalie.


Djebel Mekfer

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LA POURSUITE !

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En chasse ! - Au contact - Un combat épique.


Après les troubles provoqués par l'intrusion des pillards rebelles sur le territoire de nos possessions d'Algérie qui aboutirent à l'intervention vigoureuse du général Flageolet puis à la prise de Zénaga par nos troupes le 16 janvier 1904, les rebelles d'Omar Zaharun furent finalement rejetés en désordre sur le sol marocain.

Le mois de janvier tirant à sa fin, seul importait à cet instant d'empêcher l'ennemi d'y gagner le refuge salutaire qu'il escomptait trouver pour se terrer et reconstituer ses forces.

Au bivouac de Zénaga, la colonne Flageolet avait pu être réapprovisionnée et déjà nos infatigables spahis et goumiers ratissaient en tous sens le désert aride à la recherche d'une piste qui permettrait de lancer la poursuite. Mais de quel côté chercher ?

Le 27 au soir, un courrier rapide venu de l'Ouest nous annonça la présence d'indices suggérant le passage récent d'une troupe au puits d'Aïn-Chaïr. Le renseignement manquait de précision d'autant plus que le bruit courait également de l'existence d'une harka en fuite dans le Nord. Perplexe quand à l'option à privilégier, le général me confia un détachement fort de deux compagnies de légionnaires et autant de tirailleurs avec ordre de confirmer l’information et d'agir en conséquence, selon mon initiative.

Le 28 au matin, nous levons le camp route à l'Ouest.

Le long de la piste, les estafettes se succèdent. Les fuyards sont là, leur direction se précise. D'autres traces ont été relevées dans le Nord-Ouest, aux puits d'Abbou Lakdhal. Je décide de m'y porter.

D'étapes en étapes, le désert aride et les dunes mouvantes laissent peu à peu place aux plateaux couverts de graviers et de cailloux roulés. Au loin apparaissent bientôt les premières collines rocheuses coupées de ravins aux pentes abruptes.


Notre chasse de puits en puits nous rapproche de l'ennemi qui, je le pressens, est sans doute ralenti par ses blessés. Les indices deviennent plus fréquents qui tous me conduisent en direction du Djebel Mekfer.


Enfin les traces apparaissent, abondantes, nettes, fraîches. En chasse ! C'est l'hallali courant ; bientôt ce sera la « vue » ;  puis l'ennemi fera tête, nous l'acculerons au combat !


Dans la nuit du 5 février, mes éclaireurs indigènes repèrent les faibles lueurs de feux de camp. L'ennemi s'est terré tout près dans un douar niché au cœur d'un massif rocailleux. Malgré les fatigues et la faiblesse de mes effectifs, je commande derechef la manœuvre d'encerclement afin d'encager ma proie. Nous attaquerons le lendemain au lever du jour.

Mon dispositif est le suivant :
Avec une compagnie de tirailleurs, je me tiens au Sud.


Le chef d'escadron Bouet et ses spahis sont venus me rejoindre ; le reste de son escadron est placé sous le commandement du sous-lieutenant Grosdemange qui doit contourner la position ennemie et verrouiller la piste au Nord.



A l'Est, le capitaine Miskiewicz attaquera avec sa compagnie de légionnaires appuyée par une section d'artillerie volante De Bange.


A l'Ouest, déployées au fond d'un oued, encore une compagnie de légionnaires sous les ordres du sous-lieutenant Meyer et une autre de tirailleurs, commandée par le lieutenant Develotte, qui agiront de concert.



***

A 5H30, le jour paraît, la nasse est en place. J'ordonne à mes braves de mettre baïonnette au canon, en avant !


Nous progressons vaille que vaille sur un terrain difficile. Aucun signe d'activité suspecte. Sommes nous déjà repérés ?
Soudain, l'écho de sabots lancés à plein galop se répercute le long des gorges étroites.



Pas de doute, la surprise à échoué ; les rebelles sont alertés et ont deviné nos intentions. Ils tentent même sûrement de faire passer quelques messagers à travers nos lignes, peut-être pour rameuter des renforts ou encore couvrir la fuite d'Omar Zaharun lui même !


Deux groupes d'une quinzaine de cavaliers sont simultanément repérés. Le premier s'échappe par le Nord en suivant la piste heureusement gardée par le détachement de cavalerie du lieutenant Grosdemange pendant que le second tente sa chance vers le Sud-Est.


Il n'y a pas une seconde à perdre, le chef d'escadron Bouet éperonne sa monture et s’élance sabre au clair, immédiatement suivi par ses fougueux spahis, afin d'intercepter le second groupe.



A l'Ouest, la compagnie Develotte accélère au pas de course pour venir couronner la crête qui domine le débouché de la piste Nord quand apparaît face à elle une soixantaine de rebelles postés en embuscade dans les rochers.


Pris au débotté, les tirailleurs épaulent leurs armes et la fusillade s'engage.


A Sud-Est, les cavaliers bérabers rebroussent chemins pour esquiver la fantasia des spahis du chef d'escadron Bouet et filent à bride abattue en direction du Nord-Est.


Ils sont repérés par le capitaine Miskiewicz qui fait prestement mettre ses pièces en batterie.
Peine perdue hélas ! Trop loin et trop rapides, les rebelles disparaissent au détour d'un piton rocheux et réussissent à s'échapper.



Au Nord, l'autre groupe parvient au même résultat. J'apprendrai plus tard avec dépit que le lieutenant Grosdemange s'étant égaré, la piste Nord était grande ouverte.


Sur ces entrefaites, le fracas d'une fusillade nourrie venant de l'Ouest me fait comprendre que la situation vient d'évoluer et prend une tournure préoccupante. Déjà accrochée par un parti d'une soixantaine de rebelles, la compagnie Develotte est maintenant engagée sur son flanc droit par une seconde embuscade.


Mais alors que les légionnaires s'apprêtent à rallier les tirailleurs, le sous-lieutenant Meyer repère un troisième groupe de brigands qui tentent de prendre à revers sa position à proximité de l'oued.


A l'Est, J'entends aussi les détonations d'une nouvelle embuscade bientôt suivie des décharges de feux de salve ! Il s'agit des légionnaires du capitaine Miskiewicz qui viennent d'être pris à partie par des rebelles embusqués dans un marabout transformé en réduit défensif.


De part et d'autre, nous voici donc totalement engagés. L'ennemi croit-il nous imposer sa volonté ?
Il est grand temps d'y mettre terme et de reprendre l'offensive. Je décide naturellement de forcer le passage en attaquant de front, à la française !

***

A l'Est, l'artillerie et les légionnaires font pleuvoir les obus et les balles, tandis qu'à proximité apparaissent enfin les spahis du lieutenant Grosdemange, s’apprêtant à fondre sur l'ennemi.




A la sonnerie de « En avant », les canons cessent de tirer et les légionnaires montent à l'assaut. En plusieurs bonds, ils arrivent à bonne portée, exécutent des feux rapides, puis s'élancent à la baïonnette avec un élan irrésistible. Les rebelles, bousculés de front, pris de flanc, abandonnent leur réduit et se retirent en débandade.



Je dépêche instamment le sous-lieutenant Mouchard, mon agent de liaison, afin d'encourager le capitaine Miskiewicz à poursuivre les fuyards qui décampent à l'abri des pentes rocheuses surplombant le douar.


Quand, tout à coup, les légionnaires sont pris sous un déluge de mitraille d'une violence extrême. L'ennemi est caché à cinquante mètres : un centaine de rebelles supplémentaires viennent de se découvrir, accrochés aux éboulis.


Nos vaillants soldats subissent les premières décharges à découvert, sans broncher. Mais, écrasée par le nombre, la compagnie est décimée par des tirs meurtriers. Le capitaine Miskiewicz tombe foudroyé devant l'ennemi alors qu'il commande le feu de ses hommes.


La rage au cœur, il faut bien se résoudre à céder pour éviter l'anéantissement. C'est le lieutenant Rosario qui prend aussitôt le commandement et assure l'enlèvement des blessés et la retraite de la colonne d'attaque avec une bravoure et un dévouement remarquable.


De son côté, le chef d'escadron Bouet est parvenu à proximité du douar ennemi.


Constatant qu'il est abandonné, il s’apprête à rallier lorsqu'il est pris pour cible par une bande de Bérabers restés jusque là dissimulés à proximité.


J'entrevois immédiatement la possibilité de prendre ces gredins à revers par le Sud et j'ordonne à mes tirailleurs de foncer sur l'objectif à pas redoublés.


Pendant ce temps, à l'Ouest, le sous-lieutenant Meyer a fait volte face pour faire front aux brigands qui viennent de s'approcher à portée de l'oued et harcèlent ses légionnaires.


Il fait exécuter un tir nourri sur ces impudents. Surclassés, l'ennemi reflue.

Mais plus au Nord, la compagnie Develotte subit un feu d'enfer. Les balles pleuvent autour des tirailleurs ; pas un pli de terrain ne leur permet de manœuvrer ; ils sont immobilisés.


Le plomb crible les broussailles, fustige le sable ; dans la ligne écarlate des chéchias de nouveaux vides se creusent.


L'ennemi, jusque là favorisé par le nombre et massé à l’abri de l'enchevêtrement des rocs, s'apprête maintenant à surgir de son repaire pour submerger de sa furie les débris de la compagnie Develotte.


Le lieutenant est grièvement touché et ordonne à ses hommes « sonnez la retraite et abandonnez moi ». Réduits à cette triste extrémité, les tirailleurs tentent de se replier à couvert de l'oued mais sont bien vite rattrapés.


Un combat aussi terrible qu'inégal s'engage dont l'issue ne peut être que fatale à nos braves, du moins ne succombèrent-ils qu'après une sublime et héroïque défense des plus acharnée.


Au Sud, mes tirailleurs s'apprêtent à donner l'assaut lorsque je vois apparaître un fort détachement de Bérabers déboulant sur notre gauche. Je réalise soudain qu'il s'agit des bandits repoussés par les légionnaires de la compagnie Meyer. Ces scélérats veulent tâter de nos Lebels !


Rapides comme le Simoun, mes braves font face et s'élancent aussitôt à la charge.


Mais l'ennemi esquive, insaisissable d'un côté, il se reforme de l'autre pour venir perfidement nous tirer dans le dos !



Soudain, un détachement de chasseurs d'Afrique apparaît au son du clairon sur la hauteur voisine, accouru au bruit de la fusillade pour venir nous dégager.


Peu à peu, l'intensité du feu décroît sur tout le périmètre pour cesser complètement. Intimidé par la crâne attitude de cette poignée de braves, l'ennemi n'ose sortir de son refuge pour prendre l'offensive.

***

Cette brillante affaire nous coûtait très cher malheureusement, j'apprenais en outre des prisonniers rebelles qu'Omar Zaharun en personne se trouvait sur place, protégé par ses bandes, ce qui explique l'acharnement désespéré avec lequel celles-ci se sont accrochées au terrain pour protéger sa fuite. Une fois encore, ce vil gredin avait trouvé l'occasion de s'extirper du danger aux premiers instants du combat.

Qu'importe ! Malgré les pertes cruelles, malgré les difficultés extraordinaires du relief et la rigueur de la température, le moral de nos soldats n'est pas un seul instant ébranlé et c'est avec plus le brillant entrain qu'ils se promettent de repartir à la poursuite du chef rebelle.

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