Aux premières lueurs de l’aube du 9 juillet 1950, les quatre cent trois GI’s du 21st US Regiment, épuisés et désorientés, émergent de leur trous d’homme creusés à la hâte à flanc de colline tout près du village coréen de Chonui situé le long de la route principale reliant les localités de Chonan et Choch’Iwon.
Beaucoup d’entre eux se trouvent "affectés" par la consommation d’eau insalubre, tous sont martyrisés par les moustiques.
Arrivé dans la péninsule depuis à peine trois jours avec le 3e bataillon du 21e régiment, le colonel Stephens a rejoint sur place le 1/21 du lt-colonel Smith.
La mission immédiate assignée au régiment consiste à tenir une série de verrous le plus au nord possible sur la route de l’ennemi, et de rééditer l'opération du 5 juillet à Osan. Il s’agit en effet gagner un maximum de temps (4 jours au moins) avant que le reste de la 24e division US puisse établir une ligne de défense digne de ce nom sur la rivière Kum.
Stephens ne dispose pour ce faire que des 1er et 3e bataillons (Lt. Colonels Smith et Jensen) eux-mêmes aux 2/3 de leurs effectifs. Son 2e bataillon, convoyé via la mer du Japon avec le reste de la division et le matériel lourd, vient à peine de débarquer au port de Pusan. Il peut néanmoins compter sur les trois batteries (deux de 105 et une de 155mm) du 11th Field Artillery Battalion, sur une compagnie de blindés du 78th Heavy Tank Battalion (en fait constituée de chars légers M24-Chaffee !), et enfin (mais surtout) de la puissante couverture aérienne fournie par les jets du 35th Figther-Bomber Squadron. Opérant sous le contrôle du 3th Tactical Air Control Command, les F-80 Shooting Star basés sur l’aéroport de Daejon ont déjà causé de sérieux problèmes à l’armée populaire, lui prélevant un lourd tribu en chars et en camions de transports et de ravitaillement.
Peu après 7 heures du matin, les vigies des avant-postes signalent des bruits de moteurs suspects en provenance de Chonui. L’épais brouillard opaque qui recouvre le fond de la vallée et les fumées émanant encore des ruines du village bombardé la veille par l’aviation ne permettent pas aux observateurs US de distinguer immédiatement la colonne composée de 12 blindés T-34/85 qui fonce dans leur direction.
Dans le sillage des tanks du 203e régiment blindé de l’armée populaire (APC), trois bataillons du 7e régiment d’infanterie nord coréen se déploient pour passer à l’attaque. La présence des Américains n’est en effet pas passée inaperçue aux éléments de reconnaissance qui ont, durant la nuit précédente, soigneusement relevé le dispositif hâtivement mis en place par les hommes de Stephens.
Le colonel Kim, qui connait son affaire, a décidé de procéder comme à l’accoutumé depuis le début de cette campagne : deux de ses bataillons se sont infiltrés dans les collines pour envelopper les flancs de la position adverse. A l’heure H, un pilonnage réduit mais précis fourni par ses automoteurs SU-76 donnera le signal du départ de l’attaque : pendant que les deux bataillons infiltrés déborderont les flancs des défenseurs, les blindés ouvriront la voie au troisième bataillon qui s’engouffrera dans la brèche. Son seul soucis est la présence accrue, depuis quelques jours, des avions alliés dans un ciel jusque là dominé par les Yaks et Sturmovick de l’armée populaire.
Lancé à toute vitesse, la colonne de tanks couvre rapidement les 500 mètres qui la séparent des premiers postes de combat US au moment même où le rideau opaque de la brume se dissipe. Située sur les berges de la rivière Dong-Ju à proximité d'un pont, la section de canons sans recul de 75mm du sergeant Bixler attend le dernier moment pour ouvrir le feu sur le premier des monstres d’acier. Mais les munitions de ses deux pièces ne possèdent qu’un potentiel antichar négligeable. Malgré ses coups au but, les obus ripent sur la caisse inclinée du blindé made in Russia sans même perturber les quatre tankistes qui composent son équipage.
Dans le sillage du premier T34 qui poursuit sa route, le second char ouvre le feu sur la position de Bixler qui, pris de panique, décroche avec ses hommes dans les hautes herbes et cherche le couvert d’un bosquet d’arbres situé à quelques dizaines de mètres.
Au même moment, le camarade Ryu, commandant le premier bataillon (négligeant l’effet des balles d’un sniper ambitieux), retrouve au point de rendez-vous fixé les éclaireurs de la section de reconnaissance chargée d’ouvrir la voie à ses trois compagnies. Le sommet de la colline qui constituait son premier objectif est vide d’ennemi mais il peut apercevoir, en contrebas sur sa droite, deux compagnies d’infanterie US abandonnant l’abri de leurs retranchements pour se dérober à l’avance surprise des T34 et reculer dans une zone cultivée (moins bien protégée mais permettant de se cacher plus aisément).
De l’autre côté de la route, un second bataillon nord-coréen progresse rapidement en couvrant les sommets qui dominent le versant est de la vallée.
Devant Chonui, le Lt colonel Tchoï, (en disgrâce politique depuis qu’il a déclaré avoir préféré le tabac blond des clopes sud-coréennes prises sur l’ennemi au composé d'ersatz qui sert de tabac aux cigarettes nord-coréennes de la marque Alilang) attend impatiemment les camions qui lui ont été promis par le colonel Kim.
Poursuivant son avance, la section blindée de tête s’engage sur le pont enjambant la Dong-Ju au moment même où, dans le ciel, apparaissent trois Shooting Star « Silver Ghost » piquant droit sur leur cible à plus de 600 klm/h. Une bordée de 24 roquettes vient encadrer la section de T34 nord-coréenne. La carcasse enflammée d’un char vient obstruer le passage, tandis que les deux autres parviennent à s’engager sur le pont resté miraculeusement intact.
Sur le bas côté de la route, deux bazooka teams émergent du fossé où ils se tenaient en embuscade pour tenter, à leur tour, de stopper la percée blindée. Au début de la guerre de Corée, une version plus puissante d'un calibre de 89mm, correspondant à celui du Panzerschreck, fit son apparition sous le nom de Superbazooka (M.20), mais ce modèle étant encore dans les soutes des cargos en mer du Japon, le 21st Regiment était doté de l’ancien modèle datant de la seconde guerre mondiale (M.9).
A moment ou les deux chars survivants débouchent du pont, un salve d’artillerie (105 et 155mm) en déchenille un qui stoppe sur le bas côté pour être immédiatement évacué par son équipage. A cinquante mètres, les lance-roquettes ajustent et tirent. Le dernier T34 qui ouvrait la marche est stoppé net à son tour. L’espoir renaît dans les rangs du 21.
Mais cette éclaircie ne dure pas, l’infanterie APC progresse (lentement) sur les versants des collines qui bordent la route. A droite, couvert par le feu de ses mortiers et des mitrailleuses, le premier bataillon du 7e Rgt. engage le 1/21 du Lt. Colonel Smith.
Ces derniers, après avoir évacué leurs retranchements et retraité à découvert au milieu des rizières, ont finalement trouvé refuge dans les champs d’orge qui surplombent la Dong-Ju. « Matraqués » par le pilonnage des SU-76 et sous la menace d’un bataillon de vétérans de l’APC, les « bleus » du 1/21 décrochent section par section au désespoir du Lt. Colonel Smith.
A droite, les trois compagnies du 3e bataillon APC sont prises à parti par les armes lourdes du bataillon de Jensen (canons sans recul, MG.30 et mortiers de 80).
Devant Chonui, le Lt. Colonel Tchoï voit enfin apparaître les premiers camions qui doivent convoyer son bataillon en direction de Choch’iwŏn. Mais l’embarquement prend un temps certain (les ordres tardent à lui parvenir et ses chefs de compagnies, peu enclins à partager la mauvaise réputation de leur chef, préfèrent attendre une confirmation directe du colonel commandant le régiment).
Avec une heure de retard, le convoi s'ébranle enfin.
Alors que le bataillon de Smith semble sur le point de céder, celui de Jensen reste curieusement inactif, bien en retrait de ses retranchements. Dubitatif quant à la possibilité d'arrêter l'ennemi sur la route, ce dernier est resté à couvert sur les hauteurs d'où il estime être en capacité d'arrêter l'aile gauche du 7e régiment de l'APC.
Voyant son premier bataillon fléchir, son deuxième bataillon trop éloigné de la route pour intervenir, le colonel Stephens décide de jouer sa dernière carte en engageant la compagnie de Chaffee qu'il tenait en réserve.
Une dernière intervention massive et meurtrière de l'aviation sur la colonne blindée permet aux Américains de profiter d'un cour répit pour tenter de décrocher, en espérant que les M-24 puissent couvrir l'évacuation.
La route de Choch’iwŏn est ouverte pour l'APC. Le sort de Daejon se jouera sur la rivière Kum.
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